Que vous soyez parent, enseignant ou thérapeute, vous avez sûrement déjà été face à un enfant qui a du mal à gérer ses émotions, à suivre les consignes, à être plus autonome, à s’organiser ou à maintenir son attention.
Souvent, ces difficultés viennent de ce qu’on appelle les fonctions exécutives – des mécanismes cognitifs essentiels au bon développement de l’enfant.
Ces fonctions jouent un rôle majeur dans le développement psychologique et les apprentissages de l’enfant. Elles contribuent à la réussite scolaire, et impactent aussi tous les aspects de la vie quotidienne, comme la gestion des routines, la régulation des conflits et la dynamique parent-enfant.
Dans cet article, nous allons voir comment le développement des fonctions exécutives influence le comportement de l’enfant à la maison et à l’école, et comment leur renforcement peut améliorer les interactions et l’autonomie.
1. Comprendre le développement des fonctions exécutives chez l’enfant
Les fonctions exécutives
Les fonctions exécutives (FE) sont un ensemble de processus cognitifs de haut niveau, qui se mobilisent dans des situations nouvelles ou lors de la réalisation d’une tâche complexe. Elles sont nécessaires pour réguler et contrôler les pensées, les émotions et les comportements dans le but de réaliser des objectifs spécifiques et de s’adapter à l’environnement.
Les fonctions exécutives sont particulièrement sollicitées dans des tâches de résolution de problèmes, d’organisation, et de prise de décision, et jouent un rôle clé dans le développement de l’enfant, aussi bien sur le plan scolaire que social et émotionnel.
On distingue 3 composantes essentielles des fonctions exécutives :
- L’inhibition : elle permet de contrôler les réponses automatiques ou impulsives, tant sur le plan cognitif (comme éviter les pensées intrusives) que comportemental (réfréner un geste ou une parole spontanée). La capacité d’inhibition est essentielle pour la régulation des émotions et pour l’acquisition de comportements sociaux adaptés (Diamond, 2013)
- La mémoire de travail : elle correspond à la capacité à retenir et à manipuler des informations à court terme pour mener à bien une tâche. Elle est un prédicteur de la réussite scolaire : les enfants avec une meilleure mémoire de travail obtiennent de meilleurs résultats en lecture et en mathématiques (Gathercole et Alloway, 2008).
- La flexibilité mentale : elle permet de s’adapter à des situations nouvelles, d’apprendre de nouvelles règles ou de passer d’une activité à une autre sans difficulté. Elle est impliquée dans la gestion des conflits sociaux, permettant à l’enfant de voir les choses sous un angle différent et de s’adapter aux perspectives d’autrui (Garon, Bryson, & Smith, 2008).
Développement et maturation des fonctions exécutives
Les fonctions exécutives sont régies par les lobes préfrontaux, qui font partie des dernières structures cérébrales à arriver à maturité (le cortex préfrontal atteint sa pleine maturité vers l’âge de 20-25 ans). Leur développement commence dès la petite enfance et se poursuit jusqu’à l’âge adulte. Il existe deux périodes de développement accéléré : entre 3 et 5 ans, puis de nouveau au début de l’adolescence, périodes qui coïncident avec des étapes clés dans le développement social et émotionnel des enfants (Zelazo et Carlson, 2012).
Les fonctions exécutives jouent un rôle fondamental dans le développement psychologique et les apprentissages de l’enfant. En plus de contribuer à la réussite scolaire, les FE interviennent dans les relations sociales, la capacité à résoudre les conflits, et même dans la gestion de la santé mentale. Les enfants qui maîtrisent mieux leurs fonctions exécutives ont moins de troubles comportementaux et émotionnels, et démontrent des compétences sociales et morales plus élevées, ce qui contribue à un bien-être général plus important (Moffitt et al., 2011).
Les facteurs qui influencent le développement des FE
Le développement des fonctions exécutives chez l’enfant se fait sous l’influence de plusieurs facteurs :
- Facteurs biologiques et génétiques ;
- L’environnement familial et le style parental ;
- L’éducation et les expériences sociales.
Les interactions entre les parents et l’enfant jouent un rôle clé dans ce processus. Un environnement structuré et stimulant, où cohabitent bienveillance et cadre, favorise le développement des FE. En effet, les pratiques parentales qui combinent contrôle positif (cadre et limites) et soutien à l’autonomie (guidance respectueuse et encouragement à l’initiative) stimulent non seulement l’autonomie de l’enfant mais aussi ses capacités à réguler ses émotions, à gérer son attention et à respecter les règles.
Par exemple, attendre que l’enfant sollicite de l’aide avant d’intervenir ou lui donner l’opportunité d’agir par lui-même encourage son autonomie et, par extension, ses FE (Distefano et al., 2018). De même, le contrôle inhibiteur, une composante majeure des FE, est renforcé lorsque l’enfant évolue dans un cadre où les limites sont claires et cohérentes. Ces pratiques parentales sont donc directement liées à des comportements comme la capacité à s’arrêter, à réfléchir avant d’agir, ou à moduler ses émotions.
À l’inverse, des environnements stressants ou peu structurés peuvent nuire au développement des FE. Le stress chronique, en particulier, impacte négativement le cerveau et les capacités de régulation émotionnelle (Blair & Raver, 2015).
Les enseignants, tout comme les parents, jouent également un rôle important dans ce développement. Les interactions enseignant-élève constituent un levier important pour stimuler les FE à l’école. En adoptant des pratiques éducatives similaires, où coexistent bienveillance et cadre, les enseignants peuvent aider les élèves à développer leur capacité d’autorégulation, leur attention et leur gestion des émotions.
Les parents comme les enseignants peuvent se sentir démunis face à ces enjeux. Trouver le juste équilibre entre autonomie et limites est un vrai défi, souvent renforcé par des discours contradictoires sur les méthodes éducatives. La méthode CPIM (Child-Parent Interregulatory Method) répond à cette problématique en proposant une approche personnalisée pour ajuster l’équilibre entre cadre et liberté en fonction des besoins spécifiques de chaque enfant. Cette démarche soutient non seulement le développement des FE de l’enfant, mais améliore également l’ambiance familiale globale.
2. L’impact des fonctions exécutives à l’école
Les fonctions exécutives ont toute leur importance dans le cadre scolaire. Elles favorisent les apprentissages, tout en soutenant le développement social et émotionnel. Elles permettent aux enfants de maintenir leur attention, de s’organiser, de respecter les règles de la classe et de gérer leurs émotions, ce qui les rend plus engagés et efficaces dans leurs apprentissages. En comprenant comment les FE influencent tous ces aspects, les enseignants et thérapeutes peuvent ajuster leurs interventions pour mieux accompagner chaque élève dans ses besoins et favoriser un climat d’apprentissage positif.
Mathématiques et fonctions exécutives
Les mathématiques sollicitent plusieurs fonctions exécutives de base, notamment la mémoire de travail, qui permet aux élèves de manipuler mentalement des informations, de suivre des étapes de calcul, et de retenir les données nécessaires à la résolution de problèmes (Swanson, 2011). L’inhibition aide les enfants à ignorer les distractions et à se concentrer sur les informations importantes, tandis que la flexibilité mentale leur permet de passer d’une stratégie de résolution à une autre lorsque cela s’avère nécessaire (Bull & Scerif, 2001).
Lecture et écriture
Les FE sont également très impliquées dans les apprentissages littéraires. La mémoire de travail permet aux élèves de conserver les informations en mémoire lors de la lecture ou de l’écriture, ce qui facilite la compréhension globale d’un texte (Sesma et al., 2009). L’inhibition leur sert à éviter les erreurs de lecture ou d’interprétation. Quant à la flexibilité cognitive, elle est utile pour changer de perspective, interpréter des textes ou organiser leurs idées dans des écrits structurés.
Le langage oral
Les compétences langagières s’appuient, elles aussi, sur les fonctions exécutives. Les FE sont sollicitées pour organiser des idées et maintenir le fil d’une conversation, s’adapter aux changements de sujet dans une discussion, contrôler les impulsions, attendre son tour de parole et respecter le rythme des échanges (Blair & Razza, 2007).
Interactions sociales
Les interactions sociales à l’école sont en partie régies par les FE. Avec un bon développement exécutif, les enfants parviennent à maîtriser des comportements impulsifs et à respecter les normes de groupe, à s’adapter aux points de vue des autres et à gérer des situations de coopération ou de conflit de manière constructive.
3. Les implications des fonctions exécutives à la maison
Les fonctions exécutives ont des implications dans la vie quotidienne d’un enfant, en particulier à la maison, où elles influencent son autonomie, ses relations familiales, et sa capacité à participer aux routines familiales de manière harmonieuse.
L’autonomie de l’enfant et les routines quotidiennes
Pour qu’un enfant accomplisse des tâches quotidiennes comme se brosser les dents, s’habiller, ou faire ses devoirs, il doit exercer une série de fonctions exécutives. Les FE lui permettent de se rappeler les étapes à suivre, de résister à des distractions, et d’être capable de s’adapter si une étape est modifiée. Les enfants ayant des fonctions exécutives plus développées sont souvent plus aptes à respecter des routines et à accomplir des tâches de manière autonome (Garon, Bryson, & Smith, 2008).
La gestion des émotions à la maison
Les fonctions exécutives sont au cœur de la régulation émotionnelle, indispensable pour gérer les frustrations et les conflits familiaux. Cela demande une maîtrise de soi et de la flexibilité pour bien s’entendre. Par exemple, un enfant doit inhiber ses réactions impulsives et adapter son comportement aux besoins de son frère ou de sa sœur, notamment lors de jeux coopératifs. Les enfants qui développent leurs compétences exécutives démontrent une meilleure capacité à réguler leurs comportements avec les autres membres de la famille, ce qui réduit les tensions et favorise un climat plus serein à la maison (Perner & Lang, 1999).
L’organisation des tâches domestiques et des devoirs
À mesure que les enfants grandissent, on attend souvent d’eux qu’ils assument des responsabilités, comme aider aux tâches ménagères ou faire leurs devoirs. Ces activités nécessitent une bonne organisation, de la planification et la capacité à prioriser, qui sont toutes des composantes des fonctions exécutives (Diamond, 2013). Les enfants avec des fonctions exécutives plus faibles peuvent avoir des difficultés dans ces domaines, d’où l’importance de stratégies adaptées pour les soutenir, comme la mise en place de routines claires et de rappels visuels.
Développement des fonctions exécutives chez l’enfant : ce qu’il faut retenir
- Les fonctions exécutives sont essentielles au bon développement psychologique, cognitif et affectif de l’enfant.
- Elles reposent sur 3 composantes de base : l’inhibition, la mémoire de travail et la flexibilité cognitive.
- Les FE se développent progressivement : elles évoluent au cours de l’enfance et de l’adolescence, atteignant leur maturité vers l’âge de 20-25 ans.
- Les FE ont des implications aussi bien à l’école qu’à la maison : elles soutiennent la vie quotidienne en favorisant la gestion des routines, la résolution des conflits et l’adaptation aux exigences scolaires.
En tant qu’enseignant ou thérapeute, mieux comprendre ces mécanismes peut grandement contribuer à soutenir les enfants à la maison ou à l’école. Cependant, il est parfois difficile de favoriser un transfert durable des compétences acquises en séance dans les autres environnements de l’enfant.
La méthode CPIM (Child-Parent Interregulatory Method) offre des outils concrets pour rendre transférable le développement des fonctions exécutives chez l’enfant, aussi bien à la maison qu’à l’école. Si vous êtes enseignant ou thérapeute et que vous souhaitez approfondir cette approche et optimiser vos interventions, nous vous encourageons à découvrir la formation CPIM pour soutenir le développement global de l’enfant dans tous les contextes de sa vie.